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Édito
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Le théâtre a-t-il chassé le populaire ?

Politique culturelle
Théâtre engagé
Réserve ta place !
Forger une politique culturelle sur un socle social

C’est au milieu du XXᵉ siècle que se construit progressivement le service public de la culture. À l’origine, l’idée que le théâtre permettrait de toucher un public large et populaire était investie par les mouvances chrétiennes et communistes. De fil en aiguille, l’État prend conscience des enjeux éducatifs porté par le théâtre, ce qui conduit à son institutionnalisation, notamment avec la création du ministère des Affaires culturelles en 1959. 

C’est à partir de cette date que commence une politique de construction de lieux pour accueillir du théâtre. Cela va contribuer à la professionnalisation du secteur, alors encore majoritairement dominé par le théâtre amateur. Ce nouvel espace dédié combiné aux progrès techniques, rendent les mises en scène et les spectacles plus ambitieux et plus coûteux. On assiste alors à une réorientation progressive des budgets vers la création, au détriment de la médiation. 

Parallèlement, Marjorie Glas, explique que le profil des médiateur·rices culturel·les s’élitise. Ces dernier·ères remplacent peu à peu les animateur·rices des années 1960-1970, qui étaient davantage issu·es de milieux ouvriers et militants. Ainsi, « il y a bien toujours une volonté de toucher les publics, mais avec un travail de médiation pensé en catégories (détenus, scolaires, etc.) », Marjorie Glas.

© Eric Thiébaut

Ces phénomènes socio-historiques expliquent en partie pourquoi le théâtre est aujourd’hui beaucoup critiqué pour s’être « intellectualisé », pour être vecteur de « snobisme », d’ « entre-soi », de « parisianisme »… En effet, il a petit à petit été accaparé par une classe sociale dominante bourgeoise, et s’est vu assorti de codes tout sauf universels, construits dans des logiques de distinction sociale. Pour les décrypter, il est nécessaire de posséder un certain capital culturel, loin d’être accessible à tou·tes. 

Démocratiser le théâtre, est-ce encore possible ?

À l’heure d’un système capitaliste où le divertissement a triomphé, le théâtre se heurte à un public de consommateurs, qui paient pour un service, avec des attentes particulières. L’enjeu de rentabilité pèse lourd sur les salles, surtout dans le théâtre privé. Les théâtres font donc face à un environnement économique et concurrentiel difficile qui leur laisse moins de marges de manœuvres pour penser des politiques culturelles innovantes en faveur des publics empêchés. Pourtant, des tentatives émergent et méritent d’être saluées. 

Dany Coiffure de Sarah Delaby-Rochette / Gaïa Oliarj-Inès, spectacle joué dans un salon de coiffure.

Peut-être faut-il jouer hors les murs : dans la rue, les lycées, les usines, ou même dans un salon de coiffure — comme l’a montré la metteuse en scène Sarah Delaby-Rochetted à Valence.

Peut-être faut-il trouver de nouvelles portes d’entrée en mêlant le théâtre à d’autres disciplines comme le cinéma, la musique ou la danse, disposant d’un socle populaire plus large.

© Anne Lacombe, Une chambre en Inde dirigée par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil.

Peut-être faut-il réinventer l’expérience du public, en l’invitant à participer autrement que dans un silence total, suivi d’applaudissements et, éventuellement, d’un bord-plateau où seul·es celles et ceux qui se sentent légitimes de prendre la parole osent poser leurs questions.

Peut-être faut-il que le théâtre ose prendre part à la vie citoyenne en accueillir des Assemblées Générales, des conférences, qui donneraient la parole à celles et ceux qu’il prétend inclure en se targuant d’être populaire.

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