Au tournant du XXᵉ siècle, la vie théâtrale parisienne est de plus en plus critiquée. On la juge « bourgeoise », avec des spectacles commerciaux, centrés autour du divertissement. Tandis que la province reste en marge, sans institutions, sans moyens, et souvent sans salle. L’art dramatique, confiné aux pièces de boulevards et aux classiques du répertoire, semble loin de toute mission sociale ou politique.
Pourtant, dès cette époque, des artistes, des intellectuel·le·s et des militant·e·s rêvent d’un théâtre populaire et enraciné dans les territoires. C’est le cas de Maurice Pottecher, qui crée dès 1895 le Théâtre du Peuple à Bussang, dans les Vosges.
L’idée se propage ensuite à travers les compagnies itinérantes qui sillonnent la France comme le Théâtre national ambulant de Gémier fondé en 1911. Son concept est rocambolesque, il s’agit d’une salle de 1600 places transportée de ville en ville par des tracteurs à vapeur !
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On peut également citer les Comédien·ne·s routier·e·s de Chancerel (1923), les Copiaus de Copeau en Bourgogne (1924), ou encore la Compagnie du Rideau Gris à Marseille de Ducreux (1931).
À la Libération, Jeanne Laurent, haute-fonctionnaire, conçoit une politique d’Etat pour le théâtre. Sous son impulsion, naissent les deux premiers centres dramatiques nationaux (CDN) : Colmar (1946) et Saint-Étienne (1947). L’idée est nouvelle : un théâtre public implanté en région, financé par l’État, avec une troupe stable et une mission de création, de diffusion et de formation du public.

À la même période, en 1947, Jean Vilar fonde le Festival d’Avignon qui devient un symbole de la décentralisation théâtrale : un théâtre se jouant sous le ciel du Sud, loin du centrisme parisien.
Le Ministère des Affaires culturelles est crée en 1959 et confié à André Malraux. Il associe à la décentralisation culturelle une ambition de démocratisation de la culture.
Il imagine un réseau de Maisons de la Culture, lieux pluridisciplinaires ouverts à tou·te·s, avec la volonté d’en avoir une par département. La première ouvre au Havre en 1961, suivie de Caen et Bourges en 1963.

Dans les années 1970, Jacques Duhamel, ministre de la Culture de Georges Pompidou, prolonge l’œuvre de Malraux avec la création des centres d’action culturelle (CAC). Sous Jack Lang, ces structures se multiplient et se diversifient avec les centres de développement culturel, qui s’ancrent profondément dans les territoires comme au Creusot, à Annecy, à Quimper, souvent dans des villes moyennes jusqu’alors dépourvues d’infrastructures artistiques propres.
En 1991, ces différents dispositifs fusionnent sous un nouveau label : les Scènes nationales. Ces établissements publics deviennent la colonne vertébrale de la diffusion artistique en région, travaillant avec les centres dramatiques nationaux et les centres dramatiques régionaux.
Petit recap’ du maillage culturel théâtral en France :

Néanmoins, la décentralisation culturelle reste un chantier permanent. Certes, le maillage existe, mais la fracture entre métropoles et zones rurales persiste, et fera l’objet d’un prochain article.
De plus, la décentralisation a donné du pouvoir aux différentes régions, ce qui crée des disparités en fonction des politiques économiques régionales. Par exemple en région Pays de la Loire où la présidente Christelle Morançais a annoncé 100 millions d’euros de coupes budgétaires à l’horizon 2028, ce qui précarise fortement les structures culturelles au sein de sa région.